Il trouve ça très con. Cette phrase toute faite selon laquelle « on devient un homme quand on perd un parent ». Lui se sent comme un gosse.
Le temps qui reste s’étiolant, Il s’est replongé à cœur perdu dans son enfance. Non, en fait, rien de contrôlé, ses souvenirs Lui ont sauté à la gorge, serrant leur étreinte à lui couper le souffle. Il digère cette masse d’instantanés qui remontent à la surface, bulles de petits rien, fragiles et rassurantes. Lui enfant et Elle, présente. Lui adolescent et Elle, fatigante. Lui grand et Elle, envahissante.
Les bulles Lui explosent au visage, la date de péremption, dépassée, leur a donné un arrière-goût aigre. Il compte les appels qu’Il n’a pas passés, les mots qu’Il n’a pas dits, ceux qu’Il n’aurait pas du retenir, les pensées qui Lui donnent la nausée, Il compte les jours. Il se love et se noie dans ces moments doux amers, tout est mieux que demain. Le présent, ses heures de visites, ses blouses, ses masques, sont inutiles, Il se refuse à construire des souvenirs qu’il faudra oublier. Sa mémoire encombrée l’accompagne, l’apaise, l’agresse, le tend, le brise quand il ouvre les yeux, elle remplit le vide, se venge de ne pouvoir grandir.
Il essaie d’être là, Elle a peur, Il ment. Il râle parce qu’Elle n’écoute rien, par habitude, pour qu’Elle Lui sourie, encore. Il La regarde et aimerait qu’Elle n’en fasse qu’à sa tête, encore. Caprice de gamin. Il reviendra demain, dire au revoir, peut-être encore.