Il allait voir la mer comme on va retrouver les siens. Chercher ce que le quotidien ne pouvait lui donner, sans savoir pour autant ce dont exactement il s’agissait. Probablement une partie de lui, ailleurs, qu’il fallait recoller de temps en temps. Le positif de l’aimant qui l’attirait pour l’embrasser, ou celui de la pile pour le ressusciter. Ce membre dont il était régulièrement amputé, seule la mer pouvait le lui rendre.
Il allait voir la mer, celle qui l’impressionnait autant qu’elle l’apaisait. Depuis l’enfance, il n’avait cessé de la redouter. Il avait appris à nager tard, des années après que ses copains d’école avaient fait de l’eau leur alliée. Il souffrait également du mal de mer. “Mal de mer”, difficile d’être moins en phase avec un élément en si peu de mots. Il restait enfin comme paralysé chaque fois que des images de vagues dévorant une rue, une maison ou plus encore défilaient sur l’écran d’une télévision.
Mais il allait voir la mer pour s’asseoir face à elle car sa quiétude lui faisait passer le seuil d’un refuge, son refuge dont la seule présence suffisait à son bien être altéré par des semaines, parfois des mois d’éloignement. Tout le reste, tout ce qui avait pu lui paraître difficile voire insurmontable, diminuait alors dans son esprit pour reprendre des proportions plus acceptables, plus supportables. L’immensité de l’étendue qui lui faisait face ramenait à sa juste mesure la fausse amplitude de ses angoisses. Une main maternelle caressait sa joue pour chaque vague qui s’attardait sur le sable et le gorgeait d’eau.
Il allait voir la mer car ce qu’elle lui donnait était d’une richesse inestimable. A la seule question qu’il se posait en la quittant, il n’avait pourtant jamais pu trouver de réponse : comment pourrait-il le lui rendre ?