L’écho de la vie

Cela recommençait. Cette scène, devant ses yeux. La même que sept années auparavant. Seul le point de vue avait changé. A l’époque, il était gendarme dans la région nantaise. Et puis il avait décidé de s’installer plus loin, il pensait que ce serait plus facile pour oublier. Il s’était alors rapproché de la côte basque où vivait l’essentiel de sa famille auprès de laquelle il trouverait un soutien supplémentaire, une béquille pour l’empêcher de s’effondrer. Louise n’avait pas eu besoin d’être convaincue : elle savait que ces quelques centaines de kilomètres étaient vitales pour son mari, et prolonger son congé maternité dans une région plus douce ne pouvait pas être une mauvaise idée. Était-ce ce changement d’air qui avait permis à Matthieu de, doucement, remonter la pente ? Il était loin d’en avoir atteint le sommet : il restait bien cette vague tristesse dans son regard et ce sourire qui ne remontait plus aussi haut dans ses joues. Mais le souvenir ne le hantait plus, les cauchemars avaient cessé et la culpabilité arrêté de le ronger, faute d’avoir encore quelque chose à se mettre sous la dent. Il avait dû être arrêté pendant deux mois. Retourner exercer son métier était au-dessus de ses forces dans l’état psychologique qui était le sien. Car, s’il avait fini par comprendre qu’il était responsable, c’est parce qu’il se jugeait alors coupable que sa dépression était si profonde. C’est lui qui tenait le volant ce jour-là, c’est lui qui n’avait pas vu la voiture arriver en face et c’est lui qui avait ainsi tourné à gauche en refusant une priorité. Leur fourgon avait été violemment percuté. Étourdis par le choc, ils étaient sortis lentement de leur véhicule. Ni lui ni ses collègues n’avaient pu reconnaître la marque de la voiture qui les avait heurtés de plein fouet. Le jeune qui la conduisait était mort sur le coup, à 19 ans. Cette fois, c’est de l’extérieur qu’il lui semblait revivre ce cauchemar. A quelques mètres de lui, dans les rues de Bayonne, il avait cru à une explosion en entendant la collision. Quand l’homme sortit hagard de la camionnette déformée, il eut l’impression de se voir. En face, la portière de la voiture encastrée ne s’ouvrait pas. Son cœur battait fort, très fort. Sans réfléchir, il courut jusqu’à l’épave et tira de toutes ses forces sur la poignée coté conducteur avant que celle-ci ne cède : - Vous m’entendez ? Vous allez bien ? Il sentait la respiration du jeune homme dont les paupières tremblèrent puis s’ouvrirent. Ses lèvres tuméfiées articulèrent : - Je crois… oui… Aidez-moi à sortir… Quand Matthieu passa son bras dans l’habitacle, les larmes coulaient déjà sur son visage. Le jeune conducteur avait miraculeusement la vie sauve et seulement quelques légères blessures. Et lui se sentait vivant, totalement cette fois.
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