Ils s’avancent en tremblant devant un jury qu’ils méprisent pour certains. Les mains moites, désireuses de se raccrocher à une confortable guitare qu’ils ont commencé à dompter, puis à apprivoiser. Ils ont traversé les ampoules de la main gauche avant de rêver des lumières de Baltard. Les crampes aux bras avant celles d’André Manoukian ou Philippe Manœuvre.  Le cœur battant à un rythme différent que celui qu’impriment leurs paumes sur leurs cuisses et leurs semelles sur les planches du Trianon. Instables les voix qui respirent la crainte de l’élimination et de l’humiliation publique. Instables les esprits qui ont pu les conduire à se vêtir de la sorte. Instables les regards qui cherchent au loin un point d’accroche quand Lio esquisse un sourire moqueur et que leurs yeux ne demandent qu’à fuir le spectacle d’un jugement prématuré et qui leur semblera toujours injuste. Instables le décor du théâtre qui semble les écraser dans ce halo de lumière qui les circonscrit lorsqu’ils s’avancent au devant du peloton d’exécution, les pieds joints sur la croix scotchée négligemment sur le sol. Instables les sept autres candidats alignés derrière eux; leur angoisse qui suinte emplit l’air de son odeur et de ses chuchotements les plus sinistres. “Et tu me ressers un verre de vin ?” “Passe-moi la télécommande ou monte le son ! ” “Mais tuez-la cette voix off” “Y’a pas comme un vrai problème de styling là” “Marco, arrête d’être aussi gentil et de jouer avec ton béret” “On ouvre les schokobons ?” “Tu nous lis les vannes du livetwitt ?” “Nan mais sérieux, c’est une erreur de casting celui-là” “Tu reprends du gâteau ?” “Bon, ce soir non plus il s’est pas passé grand chose, c’est nul cette saison” Huit personnes s’alignent à nouveau, attendant le verdict la boule au ventre. Les jambes les maintiennent à peine face aux quatre jurés. Les mains cherchent des repères, des mèches de cheveux, des branches de lunettes, une place dans des poches de jean slim impénétrables. Les gorges déglutissent péniblement. Les langues humectent les lèvres assoiffées. Les yeux se fixent tantôt vers le bas, fuyants ou cherchent au plafond l’espoir. Nous, on rit, on cherche les cartons rouges et verts que l’on a découpés pour jouer aussi. On cherche qui sera notre cause désespérée aussi… celle que l’on veut sauver mais dont on sait qu’elle n’ira pas au bout. On plaisante, on se moque. On s’assoit en tailleurs sur le sol, éventrant les paquets de biscuits et de haribo…. On rit.